L’Eau-forte

Le mercredi 16 mai à 19H30
rencontre avec les éditions Les édisolum pour la parution de la revue

L’Eau-forte N°3

La revue littéraire L’Eau-forte a vocation à publier périodiquement une quarantaine de pages, mêlant des textes anciens divers (contes, essais, poésies) à des écritures contemporaines issues de jeunes auteurs de Bordeaux, Paris, Marseille… Le tout dans un façonnage sobre et élégant, tiré à 50 exemplaires numérotés.

Le thème de ce numéro est Attente & Métamorphose :
« Ô le passager, réfléchis, où iras-tu ? pour quel pays veux-tu partir ?
Où que tu ailles, tu es dans mon cœur,
comme un poisson hors de l’eau, tu endureras les châtiments de la mer. »

Au sommaire : Hello, Taine, Mevlana…

« Attente, métamorphose »

Par Raphaël Deuff
Un vieillard chargé de balayer le jardin de la résidence impériale tomba amoureux d’une femme de la cour. Il aperçut son visage et l’amour troubla son cœur. Il ne dormait plus, il ne prenait plus de repas, montrait des signes de désordre. La dame l’apprit et en eut de la compassion. Elle voulu donner espoir au vieil homme : aussi fit-elle suspendre un petit tambour aux branches d’un cannelier qui poussait au bord de l’étang, et fit dire au vieillard l’annonce suivante ; elle lui fit dire qu’elle se montrerait à lui si le son du tambourin se faisait entendre jusqu’au palais.
Or le tambourin était tendu de damas.<
Le vieil homme battit l’instrument qui ne pouvait émettre aucun son ; il le frappa de toutes ses forces. Il n’entendait rien. Il écouta les vagues qui irisaient le lac. Il écouta le choc des gouttes de pluie sur les fenêtres. Il attendit la dame comme on attend la lune dans une nuit pluvieuse : il l’attendit en vain. Alors, devant le silence que conservait la peau du petit tambour, il se jeta dans le lac.
D’où vient le désarroi de l’espoir immobile, se tenant à soi, restant, demeurant, aspirant ? L’attente, « veiller et se souvenir », en italien cela donne « surveiller ». En vieux français, l’atente était l’aspiration et la considération. Une « docte ignorance ». Donne écrit : du manque qui la travaille, l’âme dans l’attente est comme une recette inachevée – comme une violette sans terre ni eau. Et cependant, seul ce manque est à même de faire se rejoindre les corps.
À l’intérieur des tableaux d’annonciation des écoles primitives d’Italie les maîtres qui les ont peints – Duccio di Buoninsegna, F. F. Lippi, C. G. Criveli, Mantegna… – plongent leurs personnages dans un suspens infini – un « soutenir » éternel. Leurs visages, fermés sur eux, méditent ; ils ignorent le reflet, la réflexion. L’annonce qui va de l’un vers l’autre, de l’ange vers Marie, n’y suppose pas l’émotion, la réaction, ou la rêverie mais seulement la veille.

1. Celui qui n’ignore plus ne peut qu’attendre la venue de ce qu’il sait ; 2. cette attente est soit stoïque (les maries des annonciations) soit en souffrance (l’amoureux, la lettre perdue)
Nous attendons un être et il semble que nos pieds se posent sur des charbons incandescents. Vivement nous passons d’une jambe à l’autre, nous tournons les épaules, nous tendons le cou. Nous dansons.
C’est l’histoire de Sems et de Rûmî. De retour de Damas le derviche Shams ed Dîn Tabrîzî fut brusquement assassiné. Rûmî le chercha à Damas. Il le chercha sur les routes. Il revint. Puis, seul désormais dans la petite cellule de couvent que les deux philosophes avaient partagée, regrettant son compagnon, il se mit à tourner sur lui-même. En dansant, en méditant il retrouva son ami.

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